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POÈTES & POÈMES
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Patricia COTTRON-DAUBIGNÉ
Née à Surgères en Charente-Maritime, elle vit et travaille aux abords du Marais Poitevin. Elle a publié des poèmes dans de nombreuses revues telles que Décharge, Friches, Ici è là, Contre-allées, N4728 , Secousse, Recours au poème, etc. Anime des ateliers d’écriture dans diverses situations, maison d’arrêt, collèges, écoles, Ehpad, publics de quartiers défavorisés, migrants. A rédigé quelques notes de lecture consultables par exemple sur Remue.net, Terre à ciel, Recours au poème. Derniers recueils parus : Croquis-démolition, éditions La Différence (2011, Paysage avec Roms fleur sauvage et chemins d’horizon, éditions de la Biennale internationale en Val-de-Marne (2015), Visage roman (2014) et Ceux du lointain (2017) éditions de L’Amourier, Femme broussaille la très vivante, éditions Les lieux dits(2020).
Poèmes extraits de
Femme broussaille, la très vivante, éditions Les lieux dits, 2020 Ceux du lointain, L’Amourier éditions, 2017
Je suis du temps nocturne déversé dans le jour et des lunes rousses je gratte la terre avec mes mains elle ensemence mes bras mes seins mon ventre et je nais feuillage arbre enraciné dans les torrents sauvages chants d'oiseaux et fouillis de fruits rouges je délaisse le ciel des dieux je délaisse la fabrique des hommes.
Femme broussaille, la très vivante, éditions Les lieux dits, 2020
Énée de Syrie comme il y eut Énée de Troie le même troyen syrien érythréen exilé de tous les siècles de tous les lieux Aeneas sur les mers sur les terres errant et mendiant dans la rage du désespoir dans mon chant je dis Ahmed Énée Najah Ali je dis l’homme en lambeaux et du plus haut courage je dis l’interdit le refusé je le glisse dans mes mots ma langue comme une terre je l’accueille
[…]
chante mon désir celui qui me pousse sur les routes vers vous les dieux n’ont tissé aucun destin je viens nous venons les hommes marchent toujours au-delà de ce qui les écrase je suis Aeneas d’Erythrée ma peau est sombre mais porte si bien la lumière je fuis l’oppression les brutalités les sévices ce qui m’attend dans mon pays arrestation disparition chante poète la honte de vos mains fermées la traîtrise de vos maîtres je marche j’ai porté sur mes épaules mon vieux père si maigre si fatigué mon fils marche à mes côtés sa main dans la mienne
Ceux du lointain, éditions de L’Amourier, 2017
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Alain FREIXE
© Photo Marc Lapolla
Alain Freixe est né le 3 décembre 1946, en terres catalanes. Il aime à musarder entre philosophie et poésie.
Poète, il est membre du comité de la revue Friches. Critique, il chronique la poésie au journal L’Humanité ainsi que dans de nombreuses revues de poésie sur papier et sur le net. Il anime la structure éditoriale Les Cahiers du Museur qui met en relation texte et image.
Parmi ses derniers livres : Contre le désert, fonds poésie, éditions l’Amourier, septembre 2017 ; Vers ce pays dont on est l’homme, éditions Tipaza, collection Métives, juin 2018 avec des reproductions de peintures d’Henri Baviera ; Les blessures de Joë Bousquet 1918 – 1939 avec Serge Bonnery aux éditions du Trabucaïre, mai 2018 ; Mano a Mano 8, Alain Freixe et Alain Lestié, Les Cahiers du Museur, été 2018 ; Champs d’eau, chants de vie, éditions de la Margeride, avec 2 peintures originales de Robert Lobet, juin 2018 ; Comme si s’en revenait le printemps, 5 gravures de Remo Giatti, la Diane française, juin 2018 ; Dérobement affirmatif, gravure de Jean-Marc Brunet, 10 exemplaires et 4 EA, avril 2019 ; Porte, sur une proposition plastique de Martin Miguel, 21 exemplaires, printemps 2020 ; Les Martinets, livre de/avec Maria Desmée, 6 exemplaires, juillet 20290 ; Un jour de mars, avec Jeran-Marc Scanreigh, Collec A Côté, Les Cahiers du Museur, 2020 ; La musique, éperdument, Portfolio avec 5 œuvres/collages de Fernanda Fedi, La Diane Française, 2020 ; Quand blanches sont les ombres, Feuille de céramique avec Gérard Eli, La Diane Française, 2020 ; Passage du corbeau, avec Yves Picquet, éditions Double Cloche, 8 exemplaires, juillet 2020…
Poèmes extraits de
Contre le désert, L’Amourier éditions, collection Fonds Poésie, 2017, Vers les riveraines, L’Amourier éditions, collection Fonds Poésie, 2013 Dans les ramas, L’Amourier éditions, collection Grammages, frontispice d’Anne Slacik, 2013
le sens le soir les images comme à l’horizon se noie le sens le soir s’en vient voûté de silence
*
Lunettes d’approche Dans l’angle du jour, la lumière se perd dans la lumière. Le vol obscur des abeilles fait fumer les lavandes. L’heure tombe. Et éclate sur l’ardoise du seuil.
Dans la tiédeur des histoires, c’est toujours le soir. La venue des ombres sur ce que l’on croit. La tombée des grilles où s’enferrent les rêves du large quand les vents du nord giflent leurs flèches rouillées.
Contre le désert, L’Amourier éditions, collection Fonds Poésie, 2017
*
Impasse des noms atzucac de noms qui passe qui passa je perds nom après nom perdo nom rere nom dans un ravin en un barranc aux bleus indéchiffrables d’ulls indexifrables ce qui de demain allò que del demà ne se montre pas no s’ensenya
Contre le désert, L’Amourier éditions, collection Fonds Poésie, 2017
* Lumières d’après neige Je pense à demain. Quand ça claquera dans la montagne comme en nous sous les coups du dégel. Et que couleront toujours jeunes les eaux vives du jour. Cela suffit pour une joie.
Dans les ramas, L’Amourier éditions, collection Grammages, frontispice d’Anne Slacik, 2013
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Nikos LYBÉRIS
Nikos Lybéris, né à Pyrgos d’Élide, Grèce, en 1953, est chercheur en géologie à la Sorbonne depuis 1975.
Il a voyagé en mer et plongé en bathyscaphe-3000m au fond de l’océan. Il a aussi voyagé dans les régions polaires (Spitsberg, Nord Groenland), en Anatolie et dans les déserts d’Égypte et d’Asie Centrale (Karakoum et Kizilkoum). Il a publié plusieurs articles scientifiques. Il pratique les arts martiaux, disciple de Maître Noro Masamichi.
Il a publié à Athènes six collections poétiques en grec : Le fleuve pétrifié (Diatton 2002, frontispice Gilles du Bouchet, édition d’art), Stances I (Stigmi 2002, frontispice George Xenos), Stances II (Diatton 2006, frontispice George Xenos), Sur les berges du temps (Diatton, 2012), Après le son (Diatton 2014, photos Philippe Treuschel), Ichor (Diatton 2016, frontispice Gilles du Bouchet, édition d’art), ainsi que le récit À l’ombre de Cavafis ("Terre de femmes", 2015).
Publications en français : Stance, avec des encres originales de Danielle Loisel (Éditions Signum, Paris 2016). La collection Après le son, traduites en français par Brigitte Gyr (en collaboration avec l’auteur) et sera publiée par les Éditions d’art Jacques Brémond, avec des œuvres originales de Gilles du Bouchet. Des extraits, en français, de la collection Sur les berges du temps ont été publiés par la revue Phoenix (N° 22, 2016, p. 75-80), des extraits de Ichor par la Barque sur l’arbre (N°2, 2018), et des extraits de Après le son par les revues numériques « Les Carnets d’Eucharis » (N°43, 2014) et la « Levure Littéraire » (N° 11, 2015 & N° 12, 2016).
Traductions : Édition bilingue (français-grec) de la Lettre à mon double au fond du puits de Brigitte Gyr (Éditions Diatton, Athènes, 2015). La traduction (en grec) de la Victoire des Vaincus / le secret de Cavafis de Dominique Grandmont a été publiée par les éditions Armos (Athènes 2018).
Performances, à Paris: avec l’improvisatrice de l’harpe Hélène Breschand (2015) ; puis, Partitions à deux voix, plusieurs présentations avec la vocaliste Judith Kan à l’improvisation, à l’Espace Christiane Peugeot,au Printemps des Poètes, etc. (2016, 2017, 2018). Partition pour Texte et Contrebasse, avec George Kokkinaris, au Théâtre Dionysos et Apollon, à Athènes (Mai 2019), en français et en grec. Participation au festival de poésie Voulezvous,à l’Institut Français d’Athènes le 20 octobre 2020. Interview avec Yannis Papoutsakis à la Radio 3e Programme & Voice of Greece de ΕΡΤ, le 29.VIII.2016, de 15h à 16 h.
Poèmes extraits de
Après le son, traduit du grec par Brigitte Gyr en collaboration avec l’auteur, à paraître aux éditions Jacques Brémond
Στὴν κόκκινη πόλη ἔβρεχε ἁλάτι ὅταν ἀπὸ μιὰ χαραμάδα τοῦ ὁρίζοντα βγῆκαν ἀπὸ τὸ σύννεφο τοῦ χρόνου νὰ πᾶνε σ᾽ ἕνα σημεῖο δωρεάν στὴ μαύρη ἀρχὴ τοῦ χρόνου Τὸ κορμὶ κινεῖται ἐπιτέλους δίχως προσταγὲς καὶ ἀνεπαίσθητα ἀνθίζει κάθε σκαλὶ ἀναιρεῖ τὸ προηγούμενο κάθε ὄψη δείχνει τὶς ἄλλες ὅλες καὶ Ὅλα εἶναι πλέον φανερά Ἀγέρωχη ἀνάμεσα στὰ ἡφαίστεια τράβηξε τὸ μαχαίρι ἀπὸ τὸ στῆθος τοῦ ἴσκιου της καὶ ξάπλωσε σὲ στρῶμα πετάλων στὴν πέργκολα μὲ τ᾽ ἀναψυκτικὰ γιὰ τοὺς πρέσβεις τῶν ἄστρων καὶ τὶς γυμνόστηθες κυρίες μὲ τὰ κρινολίνα Σὲ χῶρο ἀνοιχτὸ στὴ λησμονιὰ τὸ φῶς μὲ τὸ σκοτάδι δένει κόμπο χωρὶς νὰ κρίνει στρογγυλεύει τὶς γωνίες νὰ ἐλαφρύνει ἡ γῆ Κινήσεις ποὺ ξεσκεπάζουν τ᾽ ἀπόρθητα νοήματα τῆς Σφίγγας
Il pleuvait du sel sur la ville rouge quand d'une fente de l'horizon ils sortirent du nuage du temps pour atteindre le point de gratuité au noir commencement du temps En l'absence d'injonction le corps se meut enfin imperceptiblement fleurit chaque marche efface la précédente chaque face révèle les autres Tout est visible désormais Altière parmi les volcans elle a arraché le poignard du sein de son ombre s'est allongée sur une couche de pétales sous la tonnelle tapissée de rafraîchissements destinés aux émissaires des étoiles et aux dames en crinoline seins nus Dans un espace ouvert à l'oubli lumière et obscurité s'entrelacent sans juger elle arrondit les angles pour alléger la terre Des gestes dévoilent les dits inexpugnables du Sphinx
Voile
Tracés dans le sable sur l'eau des mots qui n'ont pas de sens des images signes sur un chemin jamais foulé Le coin du mur effrité rappelait quelque chose du début du monde Par des portes toujours ouvertes sont entrés dans la chambre vide les enfants qui ressemblent aux photos recouvertes de poussière Rires des champs d'été flous comme dans la brume la dernière trace des corps Des visages depuis longtemps partis apparaissent dans le miroir pierre définitive et artichauts sauvages une comète est passée au-dessus de la paille en flammes L'estrade se retire avant la fin du défilé cent bateaux en papier attendent la pluie dans le caniveau le marié seul chante en mode antique elle juste son ombre a franchi le seuil En partant chacun emporte une colonne de l'Épiphanie du jour Il n'est plus temps de faire il est temps de ne pas faire |
Évelyne MORIN
Poèmes
Un chant en hiver, revue Comme en poésie, 2020 Une tunique sans couture, revue Diérèse 81, 2021
La nuit s’ouvrit et l’instant fragmenta la route Les désirs indécis s’enfuirent dans les fossés Des feuilles de lumière tombaient une à une comme des enfances perdues
Les poupées rêvaient d’ouvrir les yeux dans les greniers irréels
Les chants de deuil ont replié leurs voiles et s’éloignent sur des vaisseaux fantômes dans le noir profond des nuits sans rêves
*
Les yeux de la nuit voient l’irrêvé Tremblement d’une musique souterraine
Ce qui eut lieu s’échappe par la fenêtre vide L’absence se pose comme une trace de la séparation
Et plus rien ne bouge que le silence du lieu abandonné
Reste la suite blanche
Un chant en hiver in revue Comme en poésie, 2020
Alors le noir disparut Il n’y avait plus que le blanc éblouissant paralysant
Un maillage de liens qui étranglait l’amour La mort était trop proche pour en écrire D’une irréalité trop réelle
Dépossédés de la liberté du destin notre âme s’est repliée dans un ailleurs où nous l’avons perdue
Nous nous attendons en un lieu que nous ne connaissons pas
Il y a tous ces signes qui s’annoncent dans l’obscurité Ténèbres de la peur d’un présent sans présent
Le battement des secondes qui ne battent d’aucun temps
Nous sommes du monde Séparés du monde
Une tunique sans couture Revue Diérèse 81, 2021
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Anne MORTAL
Anne Mortal, marcheuse au long cours, de préférence à la montée.
Enseignante dans la vie civile. Docteur es Lettres Modernes, spécialiste du chemin dans la poésie moderne et contemporaine, elle a publié sa thèse Le chemin de personne, Yves Bonnefoy – Julien Gracq, à L’Harmattan, en 2000. Et un certain nombre d’articles universitaires sur cette question, notamment à propos de Philippe Jaccottet, André du Bouchet, André Dhôtel, Jean-Loup Trassard, Gustave Roud, Pierre Reverdy.
Et encore des textes de chemins, comme Le Petit cycle du Regordane, chez Lacour, en 2007. À paraître aux éditions Jacques Brémond : Un fracas sans bruit.
Poèmes extraits de
Un fracas sans bruit, à paraître aux éditions Jacques Brémond Passer, poème inédit
En mai, je me remettais tout juste à moi.
Ce matin-là, l’air était délicieux. Avalé à grandes foulées. J’avais plaisir à revoir des insectes.
Je retrouvais les scarabées des sous-bois sablonneux, dont l’éclat bleu-vert est électrique, et qui se repaissent de crottin. Les cerises étaient encore vertes.
Puis il fit chaud. Je m’allongeai sur un muret.
Dans la paresse sur le muret, des pensées sans mots.
Jour d’été en essai. Dans mon dos – un bruit.
Plus rien. Une attente. Un intervalle.
L’intervalle entre ce bruit désormais tu et mon dos. Il a juste une limite: là-bas, où j’ai perçu le bruit, d’autant plus entendu que j’étais inerte.
Un bruit, pas un son. Il est informe. Ce n’est pas un craquement, pas un pas, pas un souffle ; pas un glissement, pas une chute. Un bruit, seul, qui entaille le sous-bois.
Un fracas sans bruit, à paraître aux éditions Jacques Brémond
Le lieu est construit de peu, d’une ligne ténue en haut, et même le plus haut possible.
L’expérience des bords constitue le lieu même où passer.
Tout ceci suppose une contradiction, dont une des conséquences pourrait aussi bien être la chute.
La marche des bords — borderline.
De loin, l’arête se voit certainement comme le double à-plat d’une carte postale sans épaisseur : une plaque de cime blanche, sur un plan bleu, et rien d’autre qu’un paysage colorié trop net.
Une surface plate.
Un pan blanc sous un pan bleu.
Toute la lumière du ciel m’éblouit dans le pan bleu, le pan blanc est aveuglant.
Je traverse, je passe. […]
Le passant doit éprouver l’épaisseur pour passer.
Voir dans cette folie de lumière, voir la part de l’imminence, qui ne tient qu’au chemin vers elle à ce moment. Y voir le lieu qui se présente dans son évidence même, y reconnaître la réalité de l’arête. Passant l’arête, la lumière vint à notre rencontre.
Passer, poème inédit
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