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POÈTES & POÈMES
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Raymond BOZIER
Raymond Bozier est né à Chauvigny, dans la Vienne, et vit actuellement à La Rochelle. Très tôt il s’est consacré à la poésie puis il a glissé progressivement vers le roman, mais sans jamais quitter les territoires de la poésie. En 1997 il a reçu le prix du Monde diplomatique pour sa nouvelle « Le colosse », inspirée du tableau de Goya, puis en 1998 le « Prix du premier roman » pour « Lieu-dit ».
Poésie : Roseaux, réédition Publie.net (http://www.publie.net), Bords de mer, éditions. Flammarion, Abattoirs 26, Pauvert, L’être urbain – Chantier de fouilles, Publie.net. Romans (dernières parutions) : L’homme-ravin suivi de Lieu-dit, La Maison des courants d’air, éd. Fayard. Nouvelles : Fenêtres sur le monde, Fayard (épuisé), réédition. Publie.net.
Poèmes extraits de
L’être urbain – chantier de fouilles, recueil inédit
Scories
flots de voitures . moteurs . trottoirs . feux tricolores . arrêts de bus . piétinements . gaz . particules fines . panneaux . passages piétons . vitrines . enseignes . entréesorties . sirènes . brouhaha d’une ville
et l’envie soudaine de passer au rouge de foncer tête baissée de buter contre la ferraille d’éclater les pare-brise de récolter le sang de sa propre existence et d’entendre retentir les sirènes du soir
(caractères. romains voix masculine Caractères. italique voix féminine)
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Fouille 9 – Cuisine
passe creuse ils disent passe ils disent creuse je passe je creuse sous la table un trou noir descends pleure ils disent descends ils disent pleure je descends dans le trou noir je pleure en silence dors oublie ils disent dors ils disent oublie je dors j’oublie
(Voix. masculine Voix féminine)
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de la tôle des tubulures des poutrelles métalliques des pylônes équipés de projecteurs des panneaux des fanions publicitaires des bâtiments monoblocs à toit plat posés sur des socles en béton ouverts sur des espaces quadrillés de bandes blanches jalonnés de lampadaires et de garages à chariots
Ô sœurs jumelles des rêves périssables surfaces monotones et sans style flanquées de cafétérias d’entrepôts de magasins de bureaux et d’ennui
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Jean LE BOËL
Jean Le Boël Poète, romancier, essayiste (1948, Boulogne-sur-Mer) père picard, mère limousine. Directeur des Éditions Henry. A fondé et anime Écrit(s) du Nord. Secrétaire du PEN Club français.
Une dizaine de romans ou récits, deux essais, sept livres de poésie. Bourse Poncetton 2009 de la SGDL pour Le paysage immobile.
Quelques publications plus récentes : La Ramasseuse d’épaves (coll. Ekphrasis, éd. Invenit 2010), Là où leur chair s’est usée (Henry, 2012), Clôtures (Henry, 2014). La Mère Patrie (Henry 2015) et leurs bras frêles tordant le destin (Henry 2017) jusqu’au jour (Henry 2019, à paraître). Le n°45 de Chiendents : Jean Le Boël ou la parole fraternelle lui est consacré, avec des contributions d'A. Chaumorcel, de J. Chavanne, de P. Dhainaut et de L. Ray (éditions. du Petit Véhicule 2014).
Il est accompagné graphiquement par Isabelle Clement. Publications en revue ou dans des collectifs, en France ou à l’étranger.
Poèmes extraits de
et leurs bras frêles tordant le destin, éditions Henry, 2017 jusqu’au jour, à paraître aux éditionsHenry, 2019
le silence coule à nos oreilles qu’attendre sinon le pas d’un ami quelque chose s’éteint dans le soir qui s’affaire n’est-ce un amour n’est-ce notre vie chacun étouffe dans sa peau obscur à soi-même et c’est son ombre qu’il suit les jardins secrets sont des déserts sans oasis sans porte sans puits ô ton regard qui est ma source et qui se tarit
une frange de clarté ourle les cimes bientôt disparaîtra ce que nous savons est-ce ainsi que tout se meurt et qu’attendre des grands bras de la nuit
que viennent les larmes qui soulagent et la défaite
et leurs bras frêles tordant le destin, éditions Henry, 2017
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bouviers de huit ans nichés sous les abris de pierres plates dans la fraternité des couleuvres et du vent bêtes ténébreuses et lentes creusant les chemins fillettes aux sabots sonnant la peur du loup pères et mères aux destins d’arbres sous les cieux murettes lourdes et pacages fangeux que les sapins ont noyés qui croulent à leur tour sous les mousses tout s’enfuit tout se perd n’étaient leurs gestes et leurs voix dans nos corps et leur lumière refluant jusqu’au jour
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nous voudrions passer sur cette terre comme le nageur dans la rivière sans rien troubler que le reflet des rives et l’eau après lui se referme
chaque âme chaque pierre nous seraient douces et le nid des mésanges ne se bâtirait pas sans nous
folie des penseurs sur leur rocher qui cherchent une voie là où il n’y a pas de chemin
nous ne vivrions pas notre lot qui est de meurtre même insu de saccage de destruction
monde absurde sauf l’amour et la beauté où personne ne voit venir la vipère qui se défend et mord le talon des jeunes femmes jusqu’au jour, à paraître aux éditionsHenry, 2019
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Évelyne MORIN
Poèmes
De source noire, poèmes inédits Un chemin sur la terre, poèmes inédits
La nuit s’ouvrit et l’instant fragmenta la route Les désirs indécis s’enfuirent dans les fossés Des feuilles de lumière tombaient une à une comme des enfances perdues
Les poupées rêvaient d’ouvrir les yeux dans les greniers irréels
Les chants de deuil ont replié leurs voiles et s’éloignent sur des vaisseaux fantômes dans le noir profond des nuits sans rêves
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Les yeux de la nuit voient l’irrêvé Tremblement d’une musique souterraine
Ce qui eut lieu s’échappe par la fenêtre vide L’absence se pose comme une trace de la séparation
Et plus rien ne bouge que le silence du lieu abandonné
Reste la suite blanche
De source noire, Poèmes inédits
Le chemin avance sur la terre Et les hommes
Cela ne pouvait être autrement qu’à cet instant
Un mot cherchant sa voix dans la puissance de son royaume éphémère
Juste à l’extinction du monde
J’ouvre l’heure et laisse les ombres s’enfuir
Là où s’emporte le temps Écran noir de nos dérives
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Des tentures noires obscurcissent le ciel
Les arbres sont restés seuls lorsque les hommes furent partis quittant leur douleur comme une mue inutile
Ils donnèrent un dernier baiser à leur ombre et s’en furent vers les plaines exilées
Leur souffle sans doute demeure sous la glace Et une joie sans nom éclate dans le vaste ciel bleu
Seuls signifient ici la nuit et le jour La neige et le vent La présence et l’absence
Des signes apparaissent dans la transparence de l’air
Un chemin sur la terre, poèmes inédits
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Ariel SPIEGLER
Ariel Spiegler est née en 1986 à Sao Paulo. Elle vit et travaille à Paris.
En 2017, elle a publié C’est pourquoi les jeunes filles t’aiment aux éditions de Corlevour, qui reçoit le prix Apollinaire Découverte la même année.
En 2019, elle est sélectionnée par le programme Versopolis de l’Europe créative, et publie Des astres, accessible en ligne sur le site de Versopolis Poetry, traduit en anglais par Alexis Bernaut.
En novembre 2019, paraît son deuxième recueil, Jardinier, aux éditions Gallimard dans la collection Blanche.
Poèmes dans de nombreuses revues (Nunc, Place de la Sorbonne, Triages, N47, Recours au poème, Sitaudis, La Passe, Décharge, Les Cahiers de la rue Ventura, les Carnets d’Eucharis, Passage d’encres, Ce qui reste.)
Poèmes
Jardinier, éditions Gallimard, 2019 « Je veux chanter comme les loups », Des Astres, site de Versopolis
Quelles nouvelles ? De quel monde ? Comme si j’espérais que l’on me dise ce qui a bien pu arriver, très tôt un jour d’avril. Il a tracé sur ma bouche une promesse avant de parler, une manière de caresse ou de baiser et puis il s’est rompu le cœur.
Jardinier, éditions Gallimard, 2019
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Je veux chanter comme les loups. On m’a rendu ma peau de bête, et la terre était calme quand je me suis couchée sur elle. Un cri surgit de sous la terre. Le sang qui coule de ton flanc n’est pas seulement ton sang. Par ta plaie, grand loup, c’est toute la terre qui pleure, la terre dont on a vendu le cœur. Et quand tu rentres dans ta grotte, dis-moi, grand loup, qu’est-ce que tu rapportes ? Bien souvent, tu reviens seulement avec un peu de nuit dans les dents. Des Astres, site de Versopolis
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François TEYSSANDIER
Comédien, puis enseignant. Vit à Paris.
Il a publié trois pièces à L’Avant-Scène théâtre.
Des nouvelles dans les revues : Nota Bene, Roman, Brèves, Pr’ose, Moebius (Québec), Muze, A L’Index, Créatures, Népenthès, Diérèse, Rue Saint-Ambroise, Traversées (Belgique) et dans plusieurs anthologies et recueils collectifs.
Publications de poèmes dans les revues : Poésie1, Vagabondages, Artère, L’Almanach des poètes, Le Coin de table, Isis, L’Arbre à paroles, Les Heures, Arpa, Verso, Friches, N4728, Décharge, Comme en poésie, Pyro, Traversées, A L’Index, Les Cahiers de poésie, Voix d’encre, Phoenix, Poésie/première, Nouveaux Délits, Francopolis, Sipay, Convergences, Bleu d’encre, La Piscine, ainsi que dans des anthologies et des recueils collectifs.
Il a publié également 4 recueils de poèmes : La musique du temps (éditions J.P.Oswald), Livres du songe (éditions Belfond, prix Louise Labé), Paysages nomades (éditions Voix d’encre), Equilibre instable de la lumière (éditions du Cygne).
Membre du Comité de rédaction de la revue POÉSIE/PREMIÈRE.
Poèmes extraits de
Veiller sur la lumière, poème inédit La Lenteur des rêves, poème inédit
Veille sur la froide lumière du matin Qui bat sa musique sonore Dans le cœur et la mémoire des hommes Et qui escorte des puits aux cimes les plus hautes Les premières lueurs du jour Dans le déploiement d’une aile invisible Qui repousse l’ombre des nuages sur la terre […]
Veille sur le soleil qui ne donne plus d’ombre à midi Et qui t’étreint de douleur dans ta chair Meurtrie par les blessures de l’enfance Toi qui fus jadis l’hôte de rives éphémères Et de lointains fleuves immobiles Te voilà devenu l’humble vigile Des brasiers et des sources Qui précèdent la marche silencieuse De l’été futur vers les faux brandies Moissonneuses d’épis et de songes […]
Veille sur la lumière qui brûle jusqu’au sang La chair et la langue de ceux Qui vont bientôt mourir loin de ces rivages Et qui n’auront plus de mots plus de cris Ni même de souffle à t’offrir en partage
Veiller sur la lumière, poème inédit
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Voici que le jour nouveau se lève enfin Comme une aile qui se déploie sur la terre Et qui répand autour des collines et des ruisseaux Endormis les premières lueurs de l’aube […]
La brume du matin va se dissiper lentement Sous les soubresauts du vent et de la lumière Tu resteras seul face à l’horizon qui se courbe Dans ton regard et tu questionneras à voix basse
Les énigmes insondables du jour parmi les frôlements De l’herbe sur laquelle tu marches pieds nus Dans l’attente que se réalise au hasard des routes Ce que les rêves ont annoncé dans ton sommeil
La Lenteur des rêves, poème inédit |
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