Extraits de la Préface de Brigitte Gyr
Avec ce nouveau livre, Évelyne Morin poursuit une œuvre exigeante qui explore depuis les tout premiers textes l’universel et son mystère […].
Le noir et le blanc (neige), préfigurés par le rouge du sang, se déclinent tout au long de ce livre en variations qui se répondent […].
L’écriture d’Évelyne Morin vibre d’une musicalité sacrée à la manière de certaines grandes œuvres de Bach, comme la Messe en si ou la Passion selon Saint Jean. Tantôt fugue, (‘Fugue pour la terre’), tantôt prélude presque tremblant d’effroi ou de désir.
[…].le silence comme l’esprit sont les messagers du mystère de la vie de la mort, du mystère de l’autre et du soi, ‘Comme une chambre noire / qu’on ne cesse de chercher / à pénétrer / (peur d’y parvenir)’ […].
On y lutte contre la perte, la disparition, la mort, ‘trace blanche au lieu du corps’, ‘l’image disparue, ‘le corps déchiré des nuages’ et la douleur engendrée, avec pour compagnons cesdieux et ces héros antiques, mythiques ou fabulés qui ont habiténos enfances.
Extraits de Matin de l’arbre levant
Matin de l’arbre levant est composé de quatre parties : « Un gramophone dans la neige », « Fugue pour la terre », « La blessure de l’ange », « Spéculaires ».
Un gramophone dans la neige
La neige et la peur et le froid
Et le blanc
Et l’impossible insouciance
J’écris dans le noir pour traverser la neige
Peut-être que la rayure de la page
arrêterait la fuite
De la chair des mots sortirait le sens
la possibilité de vivre
Il y aurait
l’angoisse lourde
de neiger
à l’intérieur du ventre
Et les arbres priant qu’on les épargne
Eux qui dureraient plus que leur attente
La plénitude blanche de la terre
libérant le corps de sa nuit
L’esprit du ciel bientôt nocturne
passe la fenêtre ouverte
L’esprit de la terre ancestrale
souffle les nuages gris du soir
Le chant noir des hommes
s’éloigne et revient avec les nuages
passe la fenêtre ouverte
au vent
Passent les nuages
au souffle des rameaux
lourds
de la vie des morts
ici venus
La nuit tarde à recouvrir la terre
ce soir
De tous les soirs passés
La fenêtre demeure
au passage du vent
lent et calme
de ce temps
autre
et même
Fugue pour la terre
La douleur était blanche
dans la nuit sans fond
Les chemins d’exil arrivaient là
dans la révélation des galaxies
Scintillement d’une langue
inconnue du silence de la terre
Parole immobile sur la page
Le hasard avale sa proie
Un nuage de sable
Et rien
La lune était blanche cette nuit
J’entendais ton absence
et le silence de ton absence
La blancheur de ta voix dans ta mort
De ma vie je n’avais corps ni mots
Que l’élancement du vide
à écrire
La ligne pure et noire de la douleur
Fil invisible de ta disparition
dans le scintillement des sons
Ni le jour ni la nuit ne taisent
ta parole
de l’autre côté
du vide
La blessure de l’ange
Une lumière est venue se poser là
Goutte noire
arrêtant le passage
incessant du courant
Les étoiles tombent de l’autre côté de la glace
Dans la solitude sans reflet
Nul miroir ne brisant l’unité de l’être
Il fait encore bleu pour quelques instants
encadrés dans la vitre
Le reflet de l’être commence à apparaître
l’autre
Un fragment d’éternité brisé
Spéculaires
Une lumière est venue se poser là
Goutte noire
arrêtant le passage
incessant du courant
Les étoiles tombent de l’autre côté de la glace
Dans la solitude sans reflet
Nul miroir ne brisant l’unité de l’être
Il fait encore bleu pour quelques instants
encadrés dans la vitre
Le reflet de l’être commence à apparaître
l’autre
Un fragment d’éternité brisé
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